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« La reprise mondiale en 2021 se fera de façon inégale »
 
jeudi 31 déc. 2020, source : Les Echos
Marqué par un creusement des inégalités en 2020, un monde globalement plus endetté et des entreprises au bilan dégradé devraient sortir de la crise en 2021. l Les pays qui bénéficient d’une bonne spécialisation sectorielle, notamment dans l’électronique, seront les premiers à repartir A bien des égards, l’année 2020 s’est montrée atypique. Par l’ampleur de la crise mondiale provoquée par le coronavirus autant que par les efforts budgétaires dont les Etats ont fait preuve pour soutenir leur économie. Sans nul doute, 2020 restera aussi dans les esprits comme étant le millésime du mega-confinement à l’image d’autres années qui ont marqué l’histoire : 1929 avec la Grande Dépression ou 1973 avec le choc pétrolier. Face à un tel chambardement, il est difficile d’imaginer de quoi l’année 2021 sera faite. Nous avons demandé à l’économiste en chef de Coface, Julien Marcilly, d’en tracer les grandes lignes tout en sachant que la situation sanitaire au niveau mondial est encore loin d’être stabilisée et que donc, tout peut encore arriver. Comment se présente l’année 2021 ? L’année 2021 va être une année charnière. Elle sera marquée par une période de transition après la pandémie de coronavirus puis par l’entrée de plain-pied dans l’ère post-Covid. Même si nous anticipons une reprise, celle-ci se fera de façon inégale, en deux temps. Il y aura déjà la fin de la crise sanitaire. En Europe comme aux Etats-Unis, dans les premiers mois de l’année, la part de population vaccinée ne sera pas suffisante pour éviter de nouvelles restrictions. Même si chaque période de confinement est moins difficile que la précédente, il paraît probable que le premier semestre sera marqué par ces phénomènes de « stop-and-go » autant que par le prolongement des mesures gouvernementales de soutien aux économies nationales. L’annonce mi-décembre par l’Allemagne d’un reconfinement assorti d’une prorogation des mesures anti-défaillances d’entreprises donne aisément la tendance pour les premiers mois de 2021. Ce qui vaut pour les pays développés est valable aussi pour les émergents, mais avec une échelle de temps différente. Pour ces derniers, la transition pourrait bien durer toute l’année. Les changements imposés par la crise font-ils émerger de nouvelles tendances structurelles ? Toutes les économies ont vu leur endettement public gonfler rapidement. C’est ce que j’appelle la « japonisation » de notre monde. Cette accélération est en moyenne de plus de 20 points pour les pays développés et de plus de 10 points pour les émergents. Cela s’accompagne d’une détérioration du bilan des entreprises. L’autre leçon majeure de la crise du Covid, c’est bien entendu le creusement des inégalités. Cela restera une constante en 2021. L’exemple de la Chine est à bien des égards éclairant. La reprise a d’abord été amorcée par un fort endettement des entreprises. A la fin du troisième trimestre de 2020, l’augmentation de celui-ci par rapport à fin 2019 équivalait déjà aux deux tiers de celle observée en 2009, année où sont apparues les surcapacités dans de nombreux secteurs. A partir de l’été, la consommation a pris le relais, tirée par les achats des ménages à hauts revenus qui ont acquis des produits de luxe et notamment des automobiles haut de gamme. Ils ont également dépensé pour des séjours d’exception à l’intérieur du pays. A l’inverse, les ménages les moins aisés se sont endettés et vivent une situation plus difficile qu’avant la crise. A l’échelle de la planète, la crise du Covid a créé beaucoup de pauvreté. La Banque mondiale, dans un récent rapport évaluait ces nouveaux pauvres à 120 millions de personnes. La moitié d’entre elles sortiront de cette situation en 2021, pas l’autre moitié. On voit donc que JULIEN MARCILLY Economiste en chef de Coface certains pays parviennent à redresser leur économie, mais laissent du monde sur le bas-côté. Le creusement des inégalités s’observe également d’un pays à l’autre. Où se situe le coeur de la reprise ? Il se situe à égalité en Asie et en Afrique. Mais les écarts de performance d’un pays à l’autre sont aujourd’hui plus profonds qu’avant la crise. Par exemple en Asie, la Chine, Taïwan, le Vietnam et la Corée du Sud font clairement la course en tête. Déjà, parce qu’ils ont bien géré la crise sanitaire mais aussi parce qu’ils bénéficient d’une bonne spécialisation sectorielle, principalement dans l’électronique. A l’autre bout de l’échelle, apparaissent l’Inde, l’Indonésie et les Philippines qui auront connu en 2020 une profonde récession. Entre ces deux extrêmes, on trouve des pays comme la Malaisie ou la Thaïlande. La spécialisation des économies départage les pays européens de la même manière. Plus ils sont tournés vers les services et plus l’impact du covid est fort. Pour la plupart d’entre eux, le deuxième trimestre a été particulièrement mauvais, suivi d’un rebond au troisième. Derrière cette tendance générale, deux groupes apparaissent. Le premier affiche entre 3 et 6 points de baisse de son PIB à la fin du troisième trimestre par rapport à fin 2019. Il s’agit de pays comme les Pays-Bas, la France ou l’Allemagne. Pour le deuxième groupe, le choc est plus net, entre – 9 et –12 points. Ce sont le Royaume- Uni, la Grèce ou l’Espagne où les services dont le tourisme tiennent une place importante dans le PIB. Le monde va-t-il repartir comme avant ? Probablement pas. La moindre mobilité observée dans certaines zones du monde pourrait avoir des conséquences durables pour certains pays. Il y a bien sûr le ralentissement des migrations temporaires comme le tourisme ou les déplacements d’affaires. En Europe, l’impact sera net pour le Portugal ou la Grèce. On voit en même temps, et c’est l’autre enseignement, une circulation plus faible des travailleurs expatriés. Je pense, par exemple, aux pays du Golfe qui accueillent traditionnellement beaucoup de main-d’oeuvre étrangère, originaire notamment d’Egypte, du Maroc, d’Asie centrale et aussi des Philippines. Certains sont repartis dans leur pays et ne reviendront pas. Il faudra surveiller les transferts officiels de fonds des diasporas. Les prévisions au printemps étaient alarmistes, les mois qui ont suivi ont montré que l’effondrement redouté n’a pas eu lieu. Les statistiques ont toutefois été artificiellement gonflées par les personnes rentrées dans leur pays qui ont en même temps rapatrié tous les montants qu’ils détenaient à l’étranger. Un autre phénomène a émergé durablement, c’est l’e-commerce. Il pénètre à présent des secteurs où il n’était pas jusque-là comme la pharmacie ou l’automobile. Aux Etats- Unis, il a progressé de 30 % en un an alors que les ventes au détail reculent globalement de 1 % à fin octobre sur un an. Une autre conséquence de cette crise concerne les relocalisations. Est-ce un phénomène que vous anticipez dans de fortes proportions ? Nous ne pensons pas que la crise sanitaire déclenche des relocalisations massives d’entreprises de filières industrielles dans les pays d’origine, souvent parce que les compétences en l’espace de quelques années ont disparu ou ne sont plus adaptées. En revanche, elle fait ressortir une nécessité de diversifier les fournisseurs. L’émergence de blocs économiques régionaux oblige à repenser certains investissements. Du côté des services, les gagnants de la montée en puissance du télétravail sont ceux qui cumulent une main-d’oeuvre qualifiée, un coût du travail avantageux et des infrastructures Internet efficaces. Pour peu qu’ils se trouvent à proximité d’un bassin économique, ils ont toutes les chances d’accueillir de nouveaux investissements. En Europe, la Pologne, la Slovaquie, l’Ukraine ou encore les Pays baltes sont dans cette catégorie. A l’inverse, la Chine, la Russie ou l’Iran bénéficient de ces données de base, mais sont desservis par des facteurs géopolitiques trop marqués.


 
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