La Fed emploie les grands moyens pour contrer une inflation galopante
lundi 20 juin 2022, source : Investir, le Journal des Finances
La banque centrale américaine a relevé ses taux de 75 points de base. Une réaction épidermique
à une hausse des prix de 8,6 % en mai, qui met à rude épreuve la première économie mondiale.
La hausse est qualifiée de
« jumbo » sur les marchés.
Le mot, couramment traduit
par éléphantesque,
qualifie aussi bien outre-Atlantique
les crevettes géantes que les
avions de ligne gros-porteurs.
Désormais, il sert aussi à étiqueter
le relèvement des taux directeurs
de la Banque centrale américaine
de 75 points de base, annoncé le 15
juin, amenant les fed funds à une
fourchette comprise entre 1,5 %
et 1,75 %. Une telle hausse n’avait
pas eu lieu depuis 1994 ; elle était
néanmoins anticipée par les
investisseurs et les économistes.
CHIFFRES BIAISÉS
Le président de la Réserve fédérale,
Jerome Powell, a expliqué
son geste par le dernier chiffre de
l’inflation, publié quelques jours
auparavant, qui a, lui aussi,
déjoué les anticipations en s’élevant
à 8,6 % sur un an pour le
mois de mai, un plus-haut depuis
quatre décennies. Autre argument,
les anticipations d’inflation
des ménages, exprimées
dans le dernier indice de confiance
de l’université du Michigan,
ont flambé. « Ces arguments
montrent la démarche peu académique
de Jerome Powell, juriste de formation.
Selon la doctrine purement
économique, ces deux indicateurs
sont, en effet, fortement alimentés
par l’inflation des matières premières
et les prix à la pompe, contre
laquelle la Fed ne peut absolument
rien », note Thomas Costerg, économiste
chez Pictet WM. Il
redoute, avec bien d’autres, que
cette agressivité de la Fed ne renforce
dangereusement le risque
de récession aux Etats-Unis. « Par
ailleurs, il faut au moins un an pour
que le levier monétaire ait une portée
sur l’inflation », ajoute Thomas
Costerg, qui estime beaucoup
trop optimistes les nouvelles prévisions
de croissance de la
Fed, avec une hausse du PIB
de 1,7 % cette année.
RALENTISSEMENT
Il faut dire que les signaux de
ralentissement ne manquent
pas, entre la baisse des transactions
dans l’immobilier
résidentiel, le destockage et
les enquêtes d’opinion des
chefs d’entreprise, moins
enclins à investir. « Surtout,
les conditions de financement
sont tendues, le taux sur
l’indice à haut rendement (obligations
à risque) est désormais
autour de 8 %, contre 4 % fin 2021.
Cela met en péril l’emploi et l’investissement
marginaux, bref, la croissance,
si cela perdurait », explique
l’économiste de Pictet WM.
Même si, au contraire des entreprises,
ils se sont désendettés ces
dernières années, les ménages
commencent aussi à réagir à la
baisse de leur pouvoir d’achat,
progressivement grignoté par la
hausse des prix, et en particulier
de l’essence. Le département du
Commerce a, en effet, observé
un recul de 0,3 % des ventes de
détail le mois dernier.
HAUSSE « JUMBO »
Qu’importe, si elle assure que
son objectif n’est pas de provoquer
une récession, la Fed anticipe
une nouvelle hausse de 75
points de base ou d’un demipoint
en juillet, et table désormais
sur un taux directeur de
3,4 % à la fin de l’année, contre
1,9 % lors des dernières prévisions
de mars. « Le Comité est fortement
déterminé à ramener
l’inflation à son objectif de 2 % », a
martelé la Fed dans son communiqué,
ajoutant que la guerre en
Ukraine et les politiques de
confinement en Chine étaient à
l’origine de tensions inflationnistes
supplémentaires. Selon les
marchés à terme, une nouvelle
hausse « jumbo » aura bien lieu
en juillet avant un relèvement
d’un demi-point en septembre.
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